RASSEMBLER / MORCELER

10 artistes - 5 expositions en duos


#13 : Duo 3

Protocoles et expériences, sous l'influence des procédés scientifiques

Florian de la Salle et Aurélie Mourier

Du 30 août au 17 septembre 2021 - sur rendez-vous

Exposition - Ateliers - Rencontres





Lycée Pilote Innovant International

Téléport 5
86130 Jaunay-Marigny


 

 

5 expositions en duo programmées sur l’année 2021

Le collectif Acte - association regroupant 10 artistes plasticiens - s’installe dans le Lycée Pilote Innovant International situé à deux pas du Futuroscope. Pendant 3 années, le collectif, dont les bureaux permanents seront domiciliés dans le lycée, propose des expositions, des ateliers d’arts plastiques, des rencontres, et les autres événements que cette nouvelle collaboration est susceptible d’engendrer.

Pour le troisième duo, « Protocoles et expériences, sous l'influence des procédés scientifiques », Florian de la Salle et Aurélie Mourier mettent en regard des pièces à propos de la matière de l'image.
Ils convoquent pour cela des savoirs et savoir-faire issus de la physique-chimie et des sciences
de la vie et de la terre. Ils accueilleront les élèves au cours d’ateliers de création
particulièrement en lien avec des enseignants de ces deux disciplines.


Aurélie Mourier

Vit et travaille à Poitiers

http://www.aureliemourier.net/

Aurélie Mourier définit et utilise des protocoles, qui, sous des aspects neutres et rationnels, sont surtout arbitraires et vains. Elle tente d’appréhender notre espace, en trois dimensions, avec une obsession de la déconstruction / reconstruction.

Les sujets d’étude sont des formes simplifiées, souvent réduites à la plus basique d’entre elles : le cube. Les matériaux sont communs voire domestiques. Les sciences invoquées sont celles de l’école, la géométrie principalement, mais laissent transparaître des phénomènes complexes : la quatrième dimension, le fantasme d’éléments premiers desquels serait fait toute matière, le vertige des tirages au sort et de la combinatoire.

Ses productions sont à l’image des effets spéciaux bricolés des films d’animations ou des illusions d’optique, ce sont des tours de magie sans magie, où la poésie subsiste dans le dévoilement.

Ramification
2014
Dim. 250 x 250 x 250 cm
Maille plastique cousue

Production : résidence de recherche et création à la Faculté des Sciences, Université Montpellier 2 (2013-2014), avec le soutien de la DRAC Languedoc-Roussillon

Ramification  est une forme issue de l’observation de la croissance des organismes biologiques. Selon les espèces, on retrouve ces ramifications dirigées vers l’environnement extérieur (les branches des arbres notamment), ou vers l’intérieur des organes (les vaisseaux sanguins par ex.). Ici elles se développent dans un milieu fermé, le cube.
À une autre échelle, les embranchements servent aussi à organiser les espèces dans les arbres phylogénétiques.

Histologie
2015
Impressions photo sur
papier synthétique, lames
porte-objet, dimensions
variables

Production : Galerie d'exposition du Théâtre de Privas - lieu d'art contemporain (07)

Suite à une résidence en Biologie-Ecologie-Evolution à l’Université de Montpellier 2, Aurélie Mourier utilise les résultats des chercheurs avec lesquels elle a travaillé. Les 4 colorations d’une coupe de queue d'embryon de roussette (4mm) sont le point de départ d’une plongée au cœur de la matière.
Après avoir imprimé ces 4 images sur différents papiers avec différentes imprimantes, elle nous propose alors d’explorer les gouttes d’encre, les fibres du papier... en lieu et place des cellules.

L'artiste, contrainte de n'utiliser que ses outils d'atelier, positionne un livre d'images sous le microscope, confondant ainsi le sujet (les échantillons biologiques) avec leurs reproductions. Le cadrage des résultats, très picturaux, sont choisis par le technicien de laboratoire qui a numérisé les échantillons produits par l'artiste. Ces nouvelles images sont présentées classées dans un tableau à double entrée, sur table ou au mur.

Entretien Aurélie Mourier

- Pourrait-on dire que le passage d’une dimension à une autre est la principale motivation de tes recherches ?
Disons que c’est mon point de départ, l’interrogation première serait : comment rendre compte de notre espace à trois dimensions, du volume vide autour de nous ou du volume plein des objets, à travers leurs représentations à plat, par la perspective, des dépliées ou des découpes en tranches. Ces passages de trois à deux dimensions (et inversement) distordent la forme, créent de l'imprévisibilité. Le procédé rationnel utilisé nous laisse croire que le résultat sera une meilleure compréhension, en réalité il révèle une version encore plus mystérieuse de la réalité. Ce jeu et cette surprise ne cessent de renouveler ma curiosité et ma fascination.


- Ton travail me fait beaucoup penser à celui de Richard Monnier,artiste qui travaille aussi à partir d'expériences. Ce n'est pas seulement la réalisation de pièces qui t'intéresse in fine, ce sont aussi les expériences pour elles-mêmes ?
Dans ce que j’ai vu des œuvres de R. Monnier, les formes ou les images émergent du procédé appliqué à la matière. En revanche, dans mon travail il y a en arrière plan une fiction cachée où les formes préexistent. Je ne fais que les extraire, les analyser et en réaliser une version. Je suis incapable de créer à partir de rien, je pars toujours d’un modèle, même s'il peut être abstrait ou généré aléatoirement, il existe. Il me faut quelque chose à décortiquer. La matière intervient ensuite, elle va modifier la forme et résister à ma volonté de contrôle, par exemple en s’étirant ou en s’affaissant. Je me sens davantage proche d’Attila Csörgő, Vera Molnár ou même d'Olafur Elliasson. Comme eux, j’essaie d'appréhender des notions complexes (issues des sciences souvent) et de rapporter ces questions à l’atelier, de les transposer, les étudier avec des matériaux inattendus ou communs. J’aime le moment de la fabrication, le moment où je résous des séries de petits problèmes qui aboutissent à des solutions et donc des formes que je n’avais pas prédites. Les pièces réalisées sont des expériences en elles-mêmes, telles des maquettes qui prennent leur autonomie.

- Quelle est la nature de ton dialogue avec les scientifiques ? Quelles sont les influences qu’ils exercent sur toi et réciproquement ?

Lorsque je passe du temps avec des chercheur·ses, par exemple dans le cadre d’une résidence, j’en ressors avec de nombreuses pistes de travail. Celles-ci peuvent provenir directement des notions qu'i·elles m'apprennent, mais parfois des idées émergent suite à des erreurs de compréhension de ma part, des manques que je comble. Je crois qu'il est important de préserver ce « décalage » dû à ma position d'invitée et éviter de me mouler complètement dans le point de vue des scientifiques, en ponctuant ces moments d’immersion par d’autres, seule dans mon atelier.


Selon les dires des scientifiques, ma présence les emmène à verbaliser les choses différemment, à sortir de leurs automatismes. J'apporte aussi mes propres questionnements qui peuvent avoir un nouvel écho pour elles et eux. Cela s'est produit il y a quelques années avec une équipe d'informatique graphique : suite à une présentation de mon travail, il m’a été proposé d'automatiser un procédé que j'avais l'habitude de réaliser « au crayon et de tête ». Il s'agissait de déplier des polycubes (formes constituées de cubes) afin d'obtenir  un patron formé d'un seul élément. Les chercheur·ses pensaient au départ que ce serait « facile », un exercice en parallèle de leurs recherches mais finalement, le sujet s'est révélé complexe et d’actualité dans leur domaine. La question s'est reformulée (tous les polycubes sont-il dépliables ?) et est devenue l’objet d’une thèse, soutenue très récemment. Le sujet n’est d'ailleurs pas clos pour autant et nous ne savons toujours pas si la question est solvable. En cours de route, l'équipe a développé un algorithme faisant intervenir de l'aléatoire, capable de générer à chaque lancement un patron différent à partir d’une même forme. Cet outil qui peut me faciliter le travail m'a décontenancée sur deux points. Les dépliés produits me sont apparus « étrangers » sans doute parce qu'en automatisant le processus, j’ai en fait court-circuité ces moments où je me représente mentalement la forme, la tourne dans tous les sens pour finalement, après de multiples erreurs et corrections, réussir à la mettre à plat. Les dessins ne contenaient plus les micro-choix que j’aurais dû faire; or ce sont ces étapes qui me permettent d'appréhender la forme. Le second point est qu'à la place d'avoir un seul patron, j'en ai une infinité, que l’on peut générer à l'envie. L'unicité du déplié produit n'existe plus, le dessin n'est plus la solution au problème donné, mais une possibilité parmi d'autres. Il faudrait donc choisir, inventer des critères. La question s'est déplacée, j'ai un nouveau terrain d'investigation, à résoudre plastiquement !

Cet entretien est né d'un dialogue artistique entre les artistes du collectif et fait suite à l'exposition "Rassembler" qui présentait les œuvres des 10 artistes du collectif à Lac&S la Vitrine de Limoges.

Interview, présentation : Dominique Robin et Florian de la Salle. Relecture : Héloïse Morel.



Florian de la Salle

Vit et travaille à Buxerolles

https://dda-nouvelle-aquitaine.org/florian-de-la-salle

Florian de la Salle est artiste chercheur, enseignant à l’École Européenne Supérieure de l’Image à Poitiers, il vit et travaille à Buxerolles. Son travail apparaît au sein d’expositions personnelles et collectives dans différentes institutions culturelles (Musée National Adrien Dubouché à Limoges, Musée des arts Décoratifs et du Design de Bordeaux, la biennale internationale d’art contemporain de Melle, le centre d’art Le Bon Accueil à Rennes, le centre d’art Bastille de Grenoble, le centre d’art de Flaine, la Galerie Louise-Michel à Poitiers). Il fait partie de plusieurs collectifs d’artistes, dont Société Véranda avec Emilien Adage, Réaction avec Dominique Robin, et Collectif ACTE.

Un mot décrit le travail de Florian de la Salle : le protocole. Il y a un geste sculptural dans le protocole et inversement, la pratique de l’expérimentation scientifique est souvent le résultat d’un émerveillement sensible. Il se trouve alors sur une crête, partagé entre le sensible et l’exigence scientifique, la question du protocole dans l’art devenant aussi une interrogation sur l’art dans le protocole scientifique.

Papier buvard
2021
Papier buvard 300g,200x300 cm, caisse américaine
Chromatographie Cyanotype


Papier buvard

2021
Papier buvard 300g,200x300 cm, caisse américaine
Chromatographie encre noire ivoire

Papier buvard
300g,200x300 cm, caisse américaine
Chromatographie encre noire trichromie

Papier buvard
2021
Papier buvard 300g,200x300 cm, caisse américaine
Chromatographie encre noire trichromie

Cylindre
2020
Porcelaine, 4cm de diamètre 10cm de hauteur, sels minéraux

Depuis 2017 l’artiste a entamé un travail de recherche sur la couleur.Un des points d’entrée par lequel il aborde ce vaste domaine aété l’utilisation du phénomène de capillarité pourcolorer différents matériaux. Jusqu’ici, ses recherches ontporté sur la coloration de deux types de matières : le papierbuvard et la porcelaine. Les colorants sont des selsminéraux dissous dans l’eau ou des encres noires, qui sont capables de migrer par capillarité dans le support partiellementimmergé. Pour explorer les possibilités d’obtention de couleurs différentes, Florian de la Salle emprunte un protocole à lascience de la chimie : la chromatographie. 

La mise en application de ce protocole est une manière de reproduire les couleurs du ciel ou encore celles des grottes, falaises, montagnes que l’artiste arpentait pendant son adolescence, quand il rêvait d’être guide de haute-montagne. Du rouge, rose, jaune... du grès des Vosges, au gris, jaune et bleu des falaises de calcaire de Ceüse, en passant par le rouge du massif des Aiguilles Rouges...

Entretien Florian de la Salle

- Si tu devais choisir un terme pour décrire ta production, quel serait-il ?

Je choisirais le mot protocole. Il y a un geste sculptural dans le protocole et inversement, la pratique de l’expérimentation scientifique est souvent le résultat d’un émerveillement sensible. Je me trouve alors sur une crête, partagé entre le sensible et l’exigence scientifique, la question du protocole dans l’art devenant aussi une interrogation sur l’art dans le protocole scientifique.

Chaque protocole est constitué d'un ensemble de gestes déterminés dont le but est de pouvoir observer et décrire des phénomènes. Dans le domaine scientifique, ces observations doivent être reproductibles et donner lieu à des hypothèses. Pour ma part, si j'utilise des protocole précis – par exemple, en combinant des sels d'argent afin d’observer les effets de la migration de la couleur sur le papier –l'objectif n'est évidemment pas de parvenir à des conclusions faisant avancer la science : je me contente de m'émerveiller des effets de telle ou telle matière sur tel support. Il s'agit aussi de rendre visible les effets de l'imprévisible car c’est dans cet imprévisible que se niche l’émerveillement. Il est aussi le ferment des découvertes scientifiques.. L'exemple du plastique qui perturbe les effets de la recherche m'intéresse particulièrement entant qu'artiste : on a récemment constaté que les récipients en plastique utilisés pour la plupart des expérimentations biologiques libéraient des additifs dont certains sont des perturbateurs endocriniens. Même les récipients neutres en verre spécial peuvent modifier la forme des protéines qui entrent en contact avec les parois, ce qui peut fausser des expériences ou perturber des processus de fabrication. Dans le champ visuel, cet inattendu produit des accidents stimulants pour l'esprit.
En d'autres termes, mon travail ne propose pas ce qu'on appelle des « œuvres à protocole » comme le fait par exemple Michel Blazy, le mot protocole désignant alors des œuvres pouvant être réalisées par d'autres. Le protocole appliqué dans mon atelier est suivi de découverte, de «résultats » qui constituent en eux-mêmes l’œuvre d’art entant que tel. Il n’est pas question de le confier à d’autres, la découverte des résultats obtenus étant à l’origine d’une grande joie !

- Comment choisis-tu tel ou tel protocole ? Sais-tu si l’usage de tel processus donnera un résultat visuel intéressant ?

Tout part de la matière. Avec elle, j’ai un rapport charnel ! J’ai beaucoup de plaisir à la manipuler, à tel point que je la tords dans tous les sens possibles. C’est quelque chose de l’ordre de l’expérience physique : je comprends en manipulant ce que j’ai dans les mains. Dans cette démarche, je scrute les limites du matériau, ses faiblesses, ses points forts, j’essaie de mettre à l’épreuve les images a priori et les connaissances que je pense posséder. Je suis à la recherche d'une rencontre, d'une meilleure connaissance des choses et la seule donnée objective pour y parvenir est l’expérience. Je souhaite découvrir le comportement de la matière, son changement d’états dans différents milieux et cette quête entraîne, en plus d'une pluralité de surprises fécondes, une meilleure compréhension du monde dans sa matérialité la plus immédiate.

Cet entretien est né d'un dialogue artistique entre les artistes du collectif et fait suite à l'exposition "Rassembler" qui présentait les œuvres des 10 artistes du collectif à Lac&S la Vitrine de Limoges.

Interview, présentation : Dominique Robin et Florian de la Salle. Relecture : Héloïse Morel.


Les autres expositions auront lieu tout au long de l’année 2021.
Un catalogue récapitulatif sera publié début de 2022.

Duos à venir

Duo 4 : Des assemblages qui renvoient à une géographie personnelle.
Guillaume Abdi - Nadia Sabourin
du 11 au 22 octobre 2021

Duo 5 : Un atelier sur l’extérieur, un atelier sur une ligne de crête.
Marie Sirgue - David Falco
automne-hiver 2021

Duos Passés

Duo 1 : Comment faire corps avec le paysage? Dominique Robin - Julie Monnet
du 23 mars au 2 avril

Duo 2 : Comment faire corps avec le paysage? Fanny Guérineau - Benoit Pierre
du 3 mai au 17 décembre 2021


Lycée Pilote innovant international

Présentation

LP2I
Téléport 5
86 130 Jaunay-Marigny
05 49 62 05 75

https://www.lp2i-poitiers.fr

Le Lycée Pilote Innovant International (LP2I) est un lycée public sorti du sol en 1987 sur le site du Futuroscope, à Jaunay-Marigny, près de Poitiers.

Plus de trente ans après, son architecture, qui fait écho au parc d’attraction qu’il côtoie et à sa géode, reste futuriste (en forme de delta, avec un toit coulissant). La cour intérieure, imaginée selon un modèle panoptique, ainsi que les espaces verts qui entourent le lycée, en font un lieu qui surprend toujours, et où les espaces, propices à l’accueil d’œuvres plastiques, peuvent vivre et être détournés.

Les spécificités du lycée vont cependant bien au-delà de son architecture. Résolument ancrée dans l’innovation pédagogique, l’histoire du lycée s’est modelée, et continue de s’imaginer, autour de
la volonté de penser l’élève au centre de l’éducation et des apprentissages : comment se construire, en tant qu’élève, comme un individu, un futur citoyen, responsable et autonome ?

Ainsi, c’est autour de mots tels que : suivi, accompagnement, projets, activités de groupes, espaces, ouverture sur l’international, numérique… que le lycée évolue constamment, essayant d’absorber la société mouvante qui est la nôtre pour la donner à comprendre aux élèves, et leur permettre de la maîtriser.

Cette vision ne saurait se construire sans une implication importante vis-à-vis de la culture sous toutes ses formes. En réaffirmant un engagement fort par le partenariat sur trois ans avec le collectif ACTE, le Lp2i se situe ainsi dans la perspective de faire intervenir l’art dans ses murs, et de permettre aux élèves de dialoguer avec les œuvres au quotidien.

Ce partenariat avec ACTE poursuit un mouvement depuis initié de longue date : une Galerie d’établissement accueille tout au long de l’année des expositions (en partenariat avec différentes structures culturelles : le FRAC Nouvelle - Aquitaine, Document d’artiste Nouvelle Aquitaine, le Confort Moderne....)

 

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