RASSEMBLER / MORCELER
10 artistes - 5 expositions en duos
#14 : Duo 4
Artistes collecteurs, des assemblages qui renvoient à une géographie personnelle
Guillaume Abdi et Nadia Sabourin
Du 11 au 22 octobre 2021 - sur rendez-vous
Exposition - Ateliers - Rencontres
Lycée Pilote Innovant International
Téléport 5
86130 Jaunay-Marigny
5 expositions en duo programmées sur l’année 2021
Le collectif Acte - association regroupant 10 artistes plasticiens - s’installe dans le Lycée Pilote Innovant International situé à deux pas du Futuroscope. Pendant 3 années, le collectif, dont les bureaux permanents seront domiciliés dans le lycée, propose des expositions, des ateliers d’arts plastiques, des rencontres, et les autres événements que cette nouvelle collaboration est susceptible d’engendrer.
Pour inaugurer cette aventure, une série d’expositions par duo d’artistes à débuté à la fin du mois de mars 2021.
Pour le quatrième duo, « Artistes collecteurs. Des assemblages qui renvoient à une géographie personnelle» de Guillaume Abdi et Nadia Sabourin, questionnent la relation qu’entretient l’artiste avec la collection, la récupération comme premier acte d’un geste créatif plus vaste.Cette exposition explore également la notion d’assemblage, grâce auquel les deux artistes donnent corps à leurs sculptures.
Durant les deux semaines de l’exposition dans la galerie d’établissement du lycée LP2I, Guillaume Abdi et Nadia Sabourin proposeront deux temps de rencontres et de discussions autour de leur travail (vendredi 15et vendredi 22 octobre). A cette occasion, Guillaume Abdi inaugurera une édition produite par le Collectif ACTE, dans le cadre de sa résidence de recherche et de création avec Isabelle Henrion.
Sculpteur,le travail de Guillaume Abdi se développe dans une recherche formelle autour des notions de construction, de combinaison et d’assemblage. Il s’élabore avec des matériaux de simple facture, notamment du bois et des matériaux de construction, et s’exprime en 2 dimensions (assemblages/collages/dessins) ou en 3dimensions (sculptures/installation). Il ancre sa pratique dans une démarche d’atelier et dans la construction de type artisanale à partir d’éléments pour la plupart trouvés et récupérés dans l’espace urbain et/ou détournés de leur contexte. Il moule,découpe, coupe, colle, assemble ces morceaux d’éléments et ces chutes (...)
Après une formation universitaire (UJF, Grenoble) et une formation artistique (ENBA, Lyon), lauréat de plusieurs bourses de travail et prix, son travail est régulièrement exposé en France et à l’étranger, et ses projets soutenus par les institutions.
Entretien Guillaume Abdi
- Tu récoltes des objets urbains que tu intègres dans tes œuvres : rebuts de béton,ferraille, plastique, roue, miroir, verre... Est-ce qu'ils définissent pour toi ce qu'est la ville et plus généralement ce qu'est notre société ?
J'ai toujours considéré la ville comme un espace de liberté, un espace m'appartenant, nous appartenant. La ville est une structure vivante en quelque sorte,avec beaucoup de mouvements, de flux, une production incessante de formes parfois très discrètes mais toujours porteuses de sens parce qu'elles disent ce que nous sommes en tant qu'êtres sociaux.
La vie des objets dans la rue m'a toujours intéressé, depuis tout jeune, sans le savoir.Quand j'étais enfant, en faisant du skate, on trouvait toujours des objets sur lesquels sauter, rouler, faire des constructions éphémères pour sauter au dessus d'un bout de palette, slider sur un bout de ferraille, grinder sur un banc... J'aime l'idée de m'approprier un fragment de ville sans y penser comme le joueur de foot de rue qui matérialise les buts avec ce qu'il a sous la main. Ces objets abandonnés sur les trottoirs ont une vie qui est faite de mouvements : ils y sont posés, déplacés, récupérés, transformés et parfois remis à leur point de départ. Je me suis aussi beaucoup meublé grâce à ce que la rue m'a donné.
Cette relation aux objets qui intègre l'idée de recyclage, de transformation, renvoie plus généralement à ma relation au monde, et participe à un élan «décroissant » ou tout du moins à une volonté de repenser notre rapport au vivant, à l’existant. Cette lame de fond idéologique irrigue mon travail, depuis ses germes, même lorsque celui-ci, avant d’être un « travail » était un amusement d’enfant. Mais optimiser la ressource disponible, travailler en circuit-court,manufacturer soi-même dans l’atelier sont autant de prises de positions successives, tant plastiques qu’idéologiques, déjà bien présentes dans l’histoire de l’art, hors contexte écologique.
Évidemment, notre société n'est pas celle dans laquelle je souhaiterais vivre. Mais je suis là,je n'ai pas choisi, je fais avec... Alors effectivement, je cherche des modalités de lutte, à mon échelle, en les appliquant à ma propre pratique plastique.
- Comment organises-tu ton temps de travail ? Il reste tributaire de tes promenades tes récoltes, tes trouvailles. Rencontres-tu des moments de creux ?Est-ce à ce moment-là que tu ressors des pièces plus anciennes que tu transformes ?
Comme pour beaucoup, le travail ne se fait pas que dans l'atelier, mais à travers un temps de travail constant, dans une veille attentive lors de mes déplacements, qu'ils soient à pieds, à vélo ou en voiture, qu'ils soient personnels ou professionnels. Je rentre très souvent avec un petit quelque chose lors de mes déplacements. Bien sûr, pour trouver il faut chercher et avec les années j'ai adopté un mode de vie rythmé par mes ballades où je suis toujours à l'affût, la curiosité et le travail continuel du regard aidant beaucoup à rendre ce collectage intéressant.
Et puis il y a le temps de l'atelier, où je « joue » avec ces objets en les associant et en les combinant. Il y a enfin une phase plus technique du moulage et des tirages sur certaines sculptures, et de nouveau une phase de manipulation, d'assemblage.
Si moment de « creux » il y a, il est inhérent à toute forme de création, pas plus, pas moins finalement. Je dispose d’une petite matériothèque et d’une bonne mémoire de mes ressources, un peu comme un jeu memory où une trouvaille active une forme plus ancienne qui se trouve quelque part dans l'atelier, voire même dans un morceau d'une sculpture précédente. C’est lorsqu'une nouvelle forme m'y fait penser, par association formelle. Ça commence souvent par le jeu chez moi, par des imbrications, des constructions, des associations.
Artiste plasticienne, Nadia Sabourin partage son temps quotidien entre son travail d’artiste et l’enseignement artistique. Son travail a bénéficié de plusieurs bourses d’aide à la création entre 1998 et 2011.
En utilisant la performance, le dessin, la photographie et une grande variété de matériaux, Nadia Sabourin crée des situations absurdes et composites autour de son autoportrait,ajoutant de fait la reproduction au cœur de ses questionnements.
Actuellement, l’utilisation de matériaux subissant l’épreuve du feu s’est imposée comme réponse radicale. Elle permet par la carbonisation ou la cuisson, d’altérer ou de détruire les objets de référence au profit d’un objet métamorphosé, “désincarné”.
Ce choix prométhéen implique une finalité logée dans l’égarement, le renversement et le risque d’une folie imprudente.
Entretien Nadia Sabourin
- Ton travail est un mélange de techniques, il est fait souvent d'assemblages qui fontdu regardeur le spectateur d'un environnement. Comment sont articulés ces matériaux avec tes idées ou tes émotions ?
Mon travail est un mélange de techniques dont la hiérarchie d'ailleurs m’importe peu. Ce sont souvent des « tamponnages », télescopages d’émotions, d’images,d’idées et de sensations, sans hiérarchie dans un premier temps.Afin d’échapper à une mémoire linéaire, le principe fait référence à L’Atlas mnémosyne d’Aby Warburg (avec un essai deR. Recht, Paris, Éditions Atelier de l'écarquillé, 2012).
- Est-ce qu'au départ tu réalises une ébauche, des croquis, des écrits ?
Il y a rarement des écrits,mais des lectures, des dessins, des croquis rapides et des annotations à côté, sortes de légendes qui convoquent le matériau, la forme, un lieu. Ils constituent une mémoire sur des supports divers sans importance (papier, téléphone, carnets…) que j’accumule et dont je consulte souvent les strates. Comme dans un grenier, quand on est enfant, il y a toujours un truc oublié, caché sous un autre et que l’on redécouvre ou revisite.
-Est-ce qu'à la manière de Edi Dubien, tu cherches à nous raconter ta réappropriation de ton enfance, de ton identité ?
Oui sans aucun doute, c’est un peu le même principe, avec la volonté similaire de parler ainsi de l’atemporalité des souvenirs et des situations qui se reconstruisent. Nous avons sensiblement les mêmes références (un peu générationnelles sans doute) : Marguerite Duras, Pier Paolo Pasolini, Samuel Beckett, Jean Genet, Arthur Rimbaud, Giuseppe Penone… mais aussi Louise Bourgeois, Joseph Beuys, etc.
- Tes œuvres nous racontent quelque chose de ta personne mais elles nous renvoient aussi à notre propre histoire, comme si les questions nous étaient retournées : c'est quoi la nature, c'est quoi la mort ?
En effet, comme une sorte de miroir. J’ai grandi en pleine nature, la plupart du temps dans des fermes isolées, ou hameaux de deux ou trois maisons pas plus. Je passais tout mon temps hors école à lire beaucoup et dans les prés et forêts des environs, seule à l’air libre, en totale liberté,loin de mes parents qui travaillaient. Mon père était berger et ma mère faisait du ménage. Le fait d’être seule m’a permis d’écouter le silence, d’observer la nature, d’y rencontrer les animaux, d’y avoir peur aussi et de vivre avec et d’acquérir des gestes adaptés en réponse aux situations rencontrées. Car, la nature n’est pas tendre non plus : elle soustrait d’elle-même des êtres, végétaux, animaux… quelques fois humains sans faire de sentiments. Cela étant dit, dans l’histoire, c'est surtout l’humain le pire des prédateurs.
Alors j‘ai toujours posé un regard attentif et questionné sur nos lieux de vie et sur l’Autre ainsi que sur notre capacité humaine à construire des relations d’altérité avec toutes les formes vivantes.
La mort fait aussi partie et ne peut pas être séparée de ce vaste ensemble. Un événement dans ma petite enfance – la perte de ma sœur à sa naissance – m’a plongée dans cette forme atemporelle dont je parle plus haut, car elle m’accompagne toujours : je suis toujours à la recherche de ce « double » (Les robes siamoises, dessins et porcelaine) qui aurait pu être possible. Comme survivante à un autre enfant, j’ai mis du temps à comprendre que je pouvais emprunter cette « porte » pour revisiter, analyser les environnements que je rencontrais, et surtout les transformer. Cette « transmutation » a toujours été présente mais elle est encore plus d’actualité dans les matériaux que j’utilise aujourd’hui. Notamment ceux en rapport avec le feu, qui fait disparaître ou transforme radicalement les choses.
J’emploie à dessein le mot plongée car c’est en effet de cela dont il s’agit, comme une immersion, un « trempage » durant lesquelles un matériau peut se fixer sur un autre… comme les peluches et la barbotine de porcelaine qui finissent par ne faire qu’un. À la fin, il ne reste plus qu’un seul matériau, figé, fossilisé, « empreinté ». C’est bien une empreinte directe dont il est question, elle a nécessité comme dirait Georges Didi-Huberman un « contact » au présent. (G. Didi-Huberman, La ressemblance par contact, Éditions de Minuit, 2008.). Le trempage est associé au « recouvrement » qui souvent est fait d’enductions répétées de barbotine, au pinceau,comme de nombreux linceuls superposés, travail lent qui permet de passer du temps avec les « sujets/objets » avant d’accepter de les perdre. À la cuisson, les végétaux, les fibres, les textiles,le papier… brûlent totalement en ne laissant que le minéral, en coque blanche vide un peu comme les corps retrouvés dans les coques de cendres de Pompéi.
Les autres expositions auront lieu tout au long de l’année 2021.
Un catalogue récapitulatif sera publié début de 2022.
Duos à venir
Duo 5 : Un atelier sur l’extérieur, un atelier sur une ligne de crête.
Marie Sirgue - David Falco
automne-hiver 2021
Duos Passés
Duo 1 : Comment faire corps avec le paysage? Dominique Robin - Julie Monnet
du 23 mars au 2 avril
Duo 2 : Comment faire corps avec le paysage? Fanny Guérineau - Benoit Pierre
du 3 mai au 17 décembre 2021
Duo 3 : Protocoles et expériences sous l’influence de procédés scientifiques.
Florian de la Salle - Aurélie Mourier
du 30 août au 17 septembre 2021
Lycée Pilote innovant international
Présentation
LP2I
Téléport 5
86 130 Jaunay-Marigny
05 49 62 05 75
https://www.lp2i-poitiers.fr
Le Lycée Pilote Innovant International (LP2I) est un lycée public sorti du sol en 1987 sur le site du Futuroscope, à Jaunay-Marigny, près de Poitiers.
Plus de trente ans après, son architecture, qui fait écho au parc d’attraction qu’il côtoie et à sa géode, reste futuriste (en forme de delta, avec un toit coulissant). La cour intérieure, imaginée selon un modèle panoptique, ainsi que les espaces verts qui entourent le lycée, en font un lieu qui surprend toujours, et où les espaces, propices à l’accueil d’œuvres plastiques, peuvent vivre et être détournés.
Les spécificités du lycée vont cependant bien au-delà de son architecture. Résolument ancrée dans l’innovation pédagogique, l’histoire du lycée s’est modelée, et continue de s’imaginer, autour de
la volonté de penser l’élève au centre de l’éducation et des apprentissages : comment se construire, en tant qu’élève, comme un individu, un futur citoyen, responsable et autonome ?
Ainsi, c’est autour de mots tels que : suivi, accompagnement, projets, activités de groupes, espaces, ouverture sur l’international, numérique… que le lycée évolue constamment, essayant d’absorber la société mouvante qui est la nôtre pour la donner à comprendre aux élèves, et leur permettre de la maîtriser.
Cette vision ne saurait se construire sans une implication importante vis-à-vis de la culture sous toutes ses formes. En réaffirmant un engagement fort par le partenariat sur trois ans avec le collectif ACTE, le Lp2i se situe ainsi dans la perspective de faire intervenir l’art dans ses murs, et de permettre aux élèves de dialoguer avec les œuvres au quotidien.
Ce partenariat avec ACTE poursuit un mouvement depuis initié de longue date : une Galerie d’établissement accueille tout au long de l’année des expositions (en partenariat avec différentes structures culturelles : le FRAC Nouvelle - Aquitaine, Document d’artiste Nouvelle Aquitaine, le Confort Moderne....)